Revenir à Rivesaltes

Voici le lien pour le visionner :  Revenir à Rivesaltes sous-titres anglais H264

https://vimeo.com/282977574<ins_privacy.png>  Only people with a password

Ceux que cela intéresse peuvent me contacter sur mon mail anger-weller@wanadoo.fr pour obtenir le mot de passe

Synopsis La réalisatrice est retournée au camp de Rivesaltes 75 ans après y avoir été internée avec sa mère et raconte.

Le temps des peurs, le long temps des pleurs : La fille parcourt le camp. Le récit, interprété par Patrick Zimmermann, décrit les rapports entre la mère et la fille : non-dits, secrets et mensonges, faux souvenirs. A travers documents et photos, c’est l’histoire de la mère juive émigrée de Pologne, attendant sans succès à l’Hôtel Lutetia le père déporté à Auschwitz.

Les faits : Le récit, interprété par Chloé Schmutz, revient sur ce qui s’est réellement passé : fichiers, documents officiels, commentaires attestent de la véracité des faits.

Le film parle de Vichy, des enfants cachés, des disparus du Chili et d’Argentine, du procès Papon et du massacre des Algériens du 17 octobre 1961 à Paris.

C’est aussi l’histoire du camp qui a détenu les réfugiés espagnols de la Retirada, les familles de juifs étrangers, les tziganes, les harkis. Il a servi de camp de rétention pour les sans-papiers et les déboutés du droit d’asile jusqu’en 2007 !

 

Images, montage : Emmanuelle Villard

Son : Frantz Parry, Emmanuelle VIllard

Photos : Stéphanie Nelson

Mixage : Hervé Guyader

Etalonnage : Guilhem Mahieu

Musiques : Vincent Pagliarin, Michel Mandel, Yves Gerbelot, J.A.W., Talila et Teddy Lasry

Voici le texte de la première partie

Le temps des peurs, le long temps des pleurs

Le lendemain, la fille sort le caillou de sa poche, elle l’a ramassé là-bas en déambulant sur le parcours
extérieur, elle a voulu conserver un peu de la terre ocre rouge de cette lande nue et aride, elle l’a imaginée
l’été exposée au soleil brûlant et au vent violent, elle a regardé l’alignement parfait des éoliennes qui, dans ce
paysage de mort, a produit sur elle un effet étrange, choc entre deux univers, le passé et la modernité.
Elle a parcouru le chemin balisé, interdiction d’en sortir, tout autour d’elle un alignement de baraques en
ruine ou au bord de l’effondrement, pour la plupart sans toit, un amas au sol de ferrailles tordues et de
grandes plaques cassées de fibrociment, les rares murs restant debout couverts de tags ; elle s’est étonnée de
voir les restes de latrines hissées sur des estrades en béton, on y accédait par deux escaliers, réparties
régulièrement tous les 50 mètres perpendiculairement à l’alignement des baraques.
Paysage chaotique qui lui a fait penser aux installations d’Anselm Kiefer avec ça et là des broussailles, des
arbustes, des euphorbes d’un vert éclatant, des touffes bleues de fleurs qui semblaient défier
l’anéantissement, subrepticement elle en a cueilli une, brin de vie qu’elle plantera dans son jardin pour garder
la trace du lieu où elle s’est rendue enfin.


Peut-être un jour, la fille ira-t-elle aussi à Pantin déposer le caillou sur la tombe de la mère. Elle n’y est
jamais allée pour elle, pour le père oui et là, pour lui, elle a déposé un caillou au pied de la stèle où sont
inscrits les noms de ceux qui n’ont pas eu de tombe, partis en fumée, là-bas dans le pays qu’ils avaient quitté
sans regret pour fuir la pauvreté et la haine et là elle a lu le nom du père écrit dans cette langue dont
elle avait appris l’alphabet et qu’elle arrivait à peine à déchiffrer.


Combien de fois l’a-t-elle évité ce camp, combien de fois est-elle passé devant sans même vouloir, sans
même pouvoir jeter un oeil, jusqu’au jour où elle a décidé de se confronter enfin aux souvenirs.
Quels souvenirs ? Pas les siens car, bébé, elle ne pouvait pas en avoir, les souvenirs c’était ceux de la mère
qui lui répétait comme une litanie toujours les mêmes horreurs, la vermine dans la bouche, le nez, les oreilles
et les rats qui montaient sur elle le bébé d’un an qu’elle la mère essayait d’apercevoir à travers les carreaux
de la baraque réservée aux nourrissons dans la Cité des enfants pendant qu’elle la mère était parquée dans
une autre baraque de l’îlot J, puis dans l’îlot K, ghetto à l’intérieur du camp réservé aux juifs et séparé des
autres internés espagnols et tsiganes par des barbelés.
C’était ça les souvenirs de la mère qui étaient devenus ceux de la fille. Images qui la hantaient jusqu’à lui
donner la phobie des souris…

Et quand elles avaient pu à nouveau vivre ensemble, comme elle aurait dû être reconnaissante et pas si
méchante avec elle la mère qui avait fait tant de sacrifices pour elle la fille et qui avait vécu l’enfer en partant
de Paris pour passer sans succès la ligne de démarcation.
Mais fallait-il pour autant qu’elle déverse sur la fille dans une complainte sans cesse répétée le récit de cet
épisode tu n’arrêtais pas de pleurer alors je t’ai donné le sein et tu m’as mordue ; coupable la fille d’avoir
pleuré, d’avoir mordu, de les avoir fait arrêter…

… Tout en cheminant, la fille se souvient des questions sans réponse qui l’ont obsédée pendant toutes ces
années. Par quel miracle avaient-elles pu sortir du camp, la mère n’en avait jamais parlé… Alors la fille avait
échafaudé plusieurs scénarios, la mère avait-elle usé de ses charmes pour amadouer un gardien? On lui avait
aussi raconté, elle ne savait plus qui, une histoire rocambolesque qui faisait intervenir deux cousins de la
mère déguisés en SS et venant dans le camp avec force cris et gestes abrupts pour les en sortir …
Avant d’y pénétrer, elle a longtemps contemplé le bâtiment du Mémorial inséré
dans le sol…

La fille

Pendant toutes ces années

Loin de la mère …

Abandonnée la fille, c’est ce qu’elle avait cru…

En fait, enfant cachée,

ballottée de familles en bonnes soeurs,

trop petite pour comprendre,

effrayée, sans repère, étrangère

Même longtemps après la guerre elle était restée à la campagne.

La mère ne pouvait pas, (ne voulait pas?) la reprendre avec elle

 

 

Quand elle est enfin revenue,

à nouveau étrangère au milieu,

à la langue qu’elle ne comprenait plus

rebelle, elle lui en a voulu à la mère,

elle lui en a fait voir de toutes les couleurs.

Elle ne supportait pas ses jérémiades qui la rendaient irrémédiablement coupable

 

La mère

Rends-toi compte de la chance que tu as, disait-elle à la fille,

moi je ne suis jamais allée à l’école,

je cassais la glace pour laver le linge,

à la place des chaussures j’avais des chiffons.

Pauvreté extrême, on faisait griller des oignons en ouvrant la fenêtre

pour faire croire qu’il y avait à manger.

Une vraie cendrillon la mère, orpheline de père et mère à 4 ans,

élevée par le grand-père et sa deuxième femme, la marâtre,

Peut-être est-ce la raison pour laquelle, elle avait eu tant de mal à donner à la fille ce qu’elle n’avait jamais vécu avec sa propre mère

Jeunesse dans le ghetto de Krasnik

fiancée amoureuse en Pologne

Et puis l’exil…

 

 

Emigrée à Paris, recueillie par sa riche tante qui l’avait utilisée comme bonniche,

Mariée à Paris

Mais le père disparaît dans la tourmente…

La mère a attendu,

elle est allée à l’Hôtel Lutetia

elle n’a jamais rien dit,

elle a caché la catastrophe qui a miné toute sa vie

Elle s’est remariée avec Hershl.

Elle a fait croire à la fille qu’il était son père

Pourtant la vie a repris

Elle était active, joyeuse,

elle fantasmait, se prenait pour une star,

elle aimait recevoir,

on lui trouvait une jolie voix,

elle chantait tous les succès de l’époque,

âme de midinette elle adorait l’opérette,

Elle emmenait la fille au Châtelet.

 

Beaucoup plus tard, la fille est devenue indulgente

elle s’est rendue compte que la mère voulait combler

tous les manques de sa jeunesse à travers elle,

la fille c’était son porte drapeau, elle avait l’injonction de réussir.

En fait, la mère croyait en elle, lui a donné confiance

lui a ouvert les portes de la musique, de la peinture et du sport

Elle a compris

La mère l’aimait

Chanson

Musique  Teddy Lasry   Voix Talila   Paroles  Jean Rouaud,  

http://www.talila.net/category/le-temps-des-bonheurs/

Je chante pour passer le temps  au crible de mes souvenirs

Je chante pour recueillr le temps des bonheurs

Et le temps des peurs et le long temps des pleurs

 

C’est pour nous qu’ils avaient désappris les mots du shtetl qu’ils avaient fui Que l’on rougissait de prononcer à Paris

J’entends encore ma mère m’appeler sheyn meydele, mayn leyb, bubele Zisse kop, mayn harts, vaysse katz, shepsele

Yiddishe mame, comm’ je me repends d’avoir eu honte en les entendant Comme j’aimerais remonter le temps

 

Je suis la voix d’un monde englouti

Après moi le déluge et l’oubli

Mon chant donne à des millions de vies un sursis

On y entend les rires et les cris, la joie des noces, le mal du pays

On s’écrivait que tout allait bien Dieu merci

On y disait la mélancolie de Belz, de Lublin, de Varsovie

 

 

 

 

 

 

Recommandations

Allez sur le site de Stéphanie Nelson, photographe  http://stephanienelson.fr/reportage/

Lauréate de l’appel à photos 2016 de la Maison de l’Image de Grenoble, cette série, Le camp, a été présentée à l’Ancien Musée de Peinture de Grenoble du 14 septembre au 2 octobre 2016

Ecoutez son interview   ITV Stephanie Nelson et Jo Anger-Weller    YouTube 26/09/2016 par La Maison de l’Image

 

 

© stephanienelson

Et puis

Documentaire sur le camp de Rivesaltes avec Jo Anger-Weller

www.cblgrenoble.org/5cblgrenoble0action1page190.html

Une réflexion au sujet de « Revenir à Rivesaltes »

  1. documentaire de 45mn la petite histoire dans l’HISTOIRE (les camps de rétention en France)